mercredi 28 février 2007

Des réponses

Bon. Si longtemps sans vous donner de nouvelles. Ça nous était jamais arrivé, nous qui nous acharnons pourtant à vous donner des nouvelles quotidiennement. Pourtant, cet espace est important pour nous et nous nous soucions de notre lectorat. En guise de preuve, sachez simplement que je prends ces quelques instants pour vous écrire alors que j'entame va 27e heure éveillée consécutive. Mais bon, cela n'excuse pas 3 jours sans nouvelles. Nous vous devons des explications.

Tout au long de notre aventure sur ce blogue, un questionnement a été soulevé de temps à autres, sans que nous n'y répondions vraiment. Nous avons tenté d'éviter la question, mais aujourd'hui, elle nous rattrape et s'impose d'elle-même: comment arrivons-nous à payer notre facture de câble? Comment pouvons-nous être aussi inactifs et pourtant avoir des sous pour s'acheter à manger? Comment faisons-nous gain d'argent?

Et détrompez-vous, ce n'est pas notre fondation lancée naïvement il y a quelques semaines qui nous fait vivre (en fait, notre OSBL est un échec lamentable).

Voici la donc la dure vérité: nous travaillons, parfois.

Comme nous avons déjà mentionné, nous sommes pigistes, ce qui veut dire que nous avons mis au point un système de vie nous permettant de consacrer la majeure partie de notre temps à l'oisivité. N'ayez crainte: on calcule qu'en travaillant de façon acharnée pendant l'équivalent de 2 mois par année, nous arrivons à cumuler assez de vivres pour subsister toute l'année. L'an dernier, nos calculs avaient été justes et l'année 2006 nous a donné raison. Bien sûr, il faut savoir faire des sacrifices et mettre sa vie en état de veille pendant 8 semaines (travaillées en bloc ou réparties) pour pouvoir profiter de 10 mois de temps libre et de câble toute la journée. Nous, les Vieux Garçons, osons croire que c'est une solution qui nous rapproche de cette chose qu'on appelle "bonheur".

Vous voudrez évidemment savoir ce que nous faisons et pour qui nous travaillons: nous travaillons pour le câble. Nous sommes derrière certaines images que vous voyez. Nous sommes à la fois producteur et consommateur, émetteur et récepteur. Nous court-circuitons la chaîne et cherchons à bâtir un câble qui nous ressemble, qui est à l'image de celui que nous avons envie de consommer.

Cette confidence explique donc notre absence de ces derniers jours: nous venons de commencer une période de travail. Alors qu'Attrayan s'est engagé à travailler pour toute la semaine, j'ai personnellement penché pour une option plus radicale et ait accepté un contrat me faisant travailler encore pour 4 longues semaines. Vous comprendrez donc que dans cette situation hors de notre contrôle, nos posts seront peut-être plus espacés pour les prochaines semaines. Nous-mêmes accumulons des émissions de télé et arrivons à peine à se croiser dans notre résidence. En guise de preuve, sachez que je n'ai pas vu Attrayan depuis déjà 3 jours.

Alors Attrayan, je sais que tu passes sur le blogue et lis mes messages, alors j'utilise cet espace pour te faire un message:
de 1, tu me manques!
de 2, si tu passes à l'épicerie, ramasse du papier de toilette, ce matin j'ai entamé notre dernier rouleau!

dimanche 25 février 2007

La guerre des ondes

Détrompez-vous, ce post ne traite pas de la guerre entre TQS ou SRC, ni du désir de TVA de ne plus participer au Fond Canadien de la Télévision, ni de la rude bataille aux cotes d’écoute. Non. Ce post parle d’une guerre des ondes beaucoup plus sournoise, une guerre dont le champ de bataille est notre salon.

Quoiqu’il soit permis d’en douter, Qu’àcelanEtienne et moi ne sommes pas la même personne et nous ne partageons pas la même opinion sur tout. C’est vrai que nous nous entendons à merveille et que nous finissons les phrases de l’autre tellement nous savons ce qu’il va dire. Mais, il n’en demeure pas moins que des différences fondamentales nous séparent. Certains diront que c’est sain. Pourtant, les principaux intéressés vous diront que c’est un calvaire. Surtout quand ces différences fondamentales en viennent au câble.

Un peu à la manière de deux nations ennemies qui s’entre-déchirent pour la même parcelle de territoire, quand la discorde éclate devant le terminal Illico, tous les coups sont permis. Manipulation, chantage émotif, tractation louche, menace, fausse promesse et je vous épargne les moins gentilles. Il faut savoir aussi que le terminal Illico a été prévu pour satisfaire le téléspectateur moyen. On peut y enregistrer deux programmes simultanément, mais il est alors impossible d’en regarder un troisième qui passerait à la même heure. Ce troisième programme est pour ainsi dire perdu. Pour des Vieux Garçons, deux programmes simultanés ce n’est pas assez. Il y a bien des jours de la semaine où l’on voudrait regarder trois émissions en même temps. Parfois même quatre. Il faut donc faire un choix.
Heureusement, avant d’en venir à cet horrible moment, il nous reste encore quelques solutions pacifistes. D’abord, le terminal Illico permet de commander gratuitement tous les programmes de TVA, donc ça nous sauve d’un grand réseau. De plus, la plupart des séries lourdes américaines peuvent être downloadées directement d’Internet à partir d’un site Torrent (si vous voulez en savoir plus sur les sites Torrent, ça sera pour un autre post).

Pourtant, pour des consommateurs chevronnés comme nous, il arrive que ça ne soit pas assez. L’heure du choix sonne et ça fait mal. Personne n’en sort jamais totalement indemne. J’accepte de perdre mon épisode de La galère et lui abandonnera son maudit Baromètre. Il me laisse regarder On s’en va à Granby à condition que je lui cède le salon pour son putride Desperate Housewives. Ça cogne fort, mais ça ne saigne pas encore. Non, le sang vient après, à l’ultime dissension. Le hockey.

Qu’àcelanEtienne en a rien à foutre du hockey. Moi, quand je parle du Canadien, je dis « on ». Je regarde à peu près tous les matchs et en série je suis absolument intraitable. Mais, le hockey, c’est souvent trois games par semaine à raison d’un bon deux heures par game. Ici, la guerre atteint son paroxysme et elle est d’une violence effrayante.
- Tu peux pas me faire ça! Ils jouent contre Toronto! Comprends-tu qu’ils sont en 7ème position, que c’est un match vraiment important pour qu’ils se fassent une place pour les séries?!?!?
- J’m’en %@&#**! C’est la troisième fois que tu me fais le coup cette semaine! Là, c’est NON!

Quand le salon, devenu une sorte de bande de Magda, est enseveli sous les cadavres de notre rhétorique sanguinaire, il arrive que j’abandonne. Je me relève en tremblant, j’enlève les morceaux d’obus qui se sont figés dans ma chair et je me traîne en lancinant vers la sortie. Oui, l’impensable arrive alors. Je dois sortir de la résidence et aller voir le match dans un endroit public comme un débit de boisson miteux. C’est à chaque fois une expérience particulièrement éprouvante. Mais, je le fais pour nous. Je le fais pour que la paix revienne.

vendredi 23 février 2007

2 commentaires

Ici, dans notre résidence, Attrayan et moi menons une saine compétition à savoir qui obtient le plus de commentaires dans ses différents posts. C'est une véritable guerre d'égo qui nous pousse à vérifier plusieurs fois par jour si notre dernier texte a su accumuler de nouveaux commentaires, et si on réussira à en accumuler de plus en plus.

Et là, je ponds un post sur les pharmacies et leur inutilisation dans ma vie, et bang, deux commentaires en 24 heures. Deux commentaires. C'est tout. That's it, comme ils disent. Je sais, plusieurs blogueurs en reçoivent moins que ça. Mais vous nous avez habitués à obtenir une quinzaine de commentaires et j'ai été bien déçu. Vous savez, sur un blog, les commentaires obtenus sont un signe pour le blogueur qu'il fait réfléchir, rire ou réagir. La dernière chose qu'on veut faire, c'est bien susciter une totale indifférence.

Et c'est ce que mon dernier post a fait. J'imagine qu'il n'a pas levé, ou qu'il était simplement mauvais et que je n'avais pas le recul pour m'en rendre compte. J'ai un peu honte.

Afin de me repentir et vous donner une dose de qualité, je vous propose donc ici de relire quelques posts de décembre qui, à l'époque, n'avaient pas eu beaucoup de commentaires (c'était avant qu'on devienne un peu plus lus) et qui en méritaient. Les plus anciens d'entre vous se souviendront peut-être de ces textes, alors que les plus nouveaux les découvriront avec -je l'espère- beaucoup de plaisir.

Ce qu'il en est des Vieux Garçons
Le combat de karts
Les ex
Les Pussycat Dolls
Harry Potter VS Luke Skywalker

jeudi 22 février 2007

Bande de chanceux!!!

Lorsqu’Attrayan et moi sommes emménagés dans notre première résidence commune, les quelques rares filles qui peuplent notre quotidien s’extasiaient et chantaient les louanges de la situation géographique de notre nouveau chez-nous. Imaginez, vous êtes à proximité de DEUX Jean-Coutu!!! C’est malade! Bande de chanceux!!! Perplexes, notre réponse avait ressemblé à euh ouin… y’a une épicerie aussi… Puis, lorsque nous déménageâmes pour venir nous installer dans notre logis actuel, le premier commentaire féminin qu’on entendit fut Ouin, le Jean-Coutu est un peu plus loin… mais au moins vous en avez encore un proche, et ce, même si nous nous éloignions considérablement d’une épicerie à distance de marche.

Nul besoin de vous dire qu’avec le temps, je n’ai jamais vraiment compris cette obsession de la pharmacie. Je ne me positionnerais jamais en expert féminin, mais est-ce que les filles choisissent vraiment le lieu de leur logis en fonction de la proximité de pharmacies? Ont-elles besoin si souvent de tampons et de eye-liner? Il me semble qu’une épicerie est bien plus importante dans mon entourage qu’une pharmacie! Et pourquoi prennent-elles pour acquis que les gars font la même chose? Est-ce que je devrais passer des commentaires sur les RONA et Canadian Tire qui peuplent les rues adjacentes aux logis des filles? Une pharmacie, c’est pas vraiment important d’y avoir accès quotidiennement. Par exemple, hier soir, j’ai fait ma visite annuelle chez Jean-Coutu. J’ai acheté des kleenex, du shampoing, du savon et de la pâte à dents. Bingo, j’ai tout ce qu’il faut pour un bout, on se revoit l’an prochain.

À cette fréquence, le magasin pourrait bien être situé à 2 heures de route, ça ne changerait pas grand chose à mon quotidien. Vous devinerez donc que, quand j’aurai un enfant, c’est quand même pas moi qui aura l’idée de l’appeler Jean Coutu.

mardi 20 février 2007

À nos lectrices

Il y a presque trois mois de ça, nous démarrions ce blogue. Empreint d’un rêve fou et d’une soif d’expression intarissable, nous commencions cette virée fantastique sans trop savoir où elle nous mènerait. Ce texte se veut le bilan trimestriel de notre aventure et le récit de l’abominable constat que nous devions faire.

D’entrée de jeu, nous avons remarqué qu’il y a beaucoup de mamans dans la blogosphère. Vous pouvez même lire le texte d’origine qui en traite si cela vous intéresse.
Naïfs comme seuls des nouveaux venus peuvent l’être, nous pensions que la blogosphère québécoise n’était occupée que par une camionneuse, Stéphane Dompierre, un chauffeur de taxi, une célibataire rose, une coup’ de journalistes de la Presse et plein de mamans dont une sans dignité. Inutile de dire à quel point notre inconnaissance était abyssale.

Évidemment, au départ, seuls nos amis un peu geeks venaient nous lire et rien ne nous laissait présager du revirement terrible qui nous attendait. La célibataire rose susmentionnée changea notre destinée en écrivant ceci et soudainement, nous comprîmes de quoi est réellement faite la blogosphère. Pas de journalistes, pas de mamans, pas de gens dont le travail consiste à conduire des véhicules. Non. La blogosphère est composée majoritairement de madames horny.

À partir de ce jour fatidique, les commentaires à caractère sexuel fusèrent de toute part.

« Quand est-ce qu'on fait l'amour?!? » nous demande Audrey.

« You're the one i want! » nous confie Fanny.

« Je vous veux dans mon salon!!! commente Julia.

« Je ferai les sushis chez toi pendant que tu regardes la télé bien installé sur Magda! » persiste Fanny.

« Alors maintenant tu es inaccessible?

Je sens que je craque... » raconte M.

« N’ayez crainte, je n’ai pas l’intention de vous draguer en ligne. Ce serait très tentant puisque vous êtes indiscutablement mignons » rapporte Peccadilles sur son propre blogue.

Le secret professionnel ne nous permet pas de vous retranscrire ici certains courriels encore plus explicites. Des invitations peu orthodoxes, du flirt outrancier ou des aveux inquiétants. Mais comment la blogosphère a–t-elle pu devenir le théâtre d’une telle dégradante débauche? N’est-ce pas assez clair que nous sommes des Vieux Garçons à la candeur virginale? Pourquoi les madames horny se font-elle aussi insistantes? Que nous veulent-elles?

Et bien, il appert que les madames horny aiment nous lire et en même temps elles aiment la sexualité. En tant que Vieux Garçons, nous ne pouvons satisfaire que le premier en espérant qu’il apaisera un peu le manque du second. Si nous nous rencontrons un jour (au Yulblog, par exemple), ne soyez pas surprises si nous sommes un brin effarouchés : on a perdu l’habitude des femmes et encore plus des madames horny.

lundi 19 février 2007

Engagez-vous qu’ils disaient

Suffit de feuilleter le journal, admirer Pascale Nadeau au téléjournal ou tout simplement faire un tour dans le Centre Sud pour se rendre compte que le monde a mal. Que font les Vieux Garçons pour freiner ce fléau et embellir un brin cette terne humanité? Rien pantoute.

Force est de constater qu’à écouter autant le câble, on finit par tout savoir et par rien faire. Il m’est comme venu un lointain remord, une sorte de doute du bien portant vis-à-vis du moins nantis. Les Vieux Garçons ne font pas de bénévolat quoiqu’ils aient le temps. Les Vieux Garçons ne contribuent au trésor national que d’une bien discrète façon. Les Vieux Garçons ne sont pas équitables, environnementalistes, socialistes ou végétariens. Les Vieux Garçons ne considèrent le clivage Nord-Sud que dans une perspective météorologique de froid-chaud. Les Vieux Garçons n’ont pas d’allégeances politiques et s’ils votent, c’est pour garder quelqu’un dans le Loft.

En somme, les Vieux Garçons se sont isolés du monde. En fermant bien la porte d’en avant et en se scotchant devant l’écran, nous nous sommes un peu retirés du monde. Dans notre univers lumineux, tous les Africains deviennent des vedettes internationales de la musique, tous les Asiatiques sont riches à cause des jeux vidéos, tous les Européens sont des cinéastes émérites, tous les Latinos sont des pop stars au ventre plat, tous les Indiens chantent dans les Bollywoods, tous les Arabes sont des pas fins, tous les États-Uniens sont docteurs, avocats ou agents du CTU et tous les Québécois sont à Las Vegas.

Mais, que nous est-il arrivé? Où sont toutes ces belles promesses faites à la face monde au-dessus d’une pinte de blonde? Mes espoirs de cégépien déambulant de manifestation en manifestation? Il fut un temps où je lisais le Courrier International dans un café du Quartier Latin en invectivant avec verve les puissants de la Terre. Je me promettais d’être un moteur de changement actif, un des acteurs de la révolution, bref, le premier en haut de la barricade. Maintenant, un simple show de Loco Locass comble mes ardeurs revendicatrices. Pas plus à gauche qu’à droite, la seule position qui m’importe désormais est celle qui sera la plus confortable dans le sofa.

Il fut un jour où nous étions engagés. Aujourd’hui, tout ce que j’ose crier c’est : « No Deal! ».

Voilà un bien navrant constat. Bon, à quelle heure que ça passe Portefolio, déjà?

Une soirée de ciné

Hier, c'était la grande fête du cinéma québécois. Question de lui faire sa fête adéquatement, j'ai décidé de le célébrer de la meilleure façon qui soit: en encourageant l'industrie et en allant voir un film québécois au cinéma. J'ai donc quitté mon câble l'instant d'une soirée et me suis déplacé vers un écran géant pour aller voir le film de l'heure: Ma fille, mon ange.

Et c'était très mauvais.

Conclusion de ma soirée: j'aurais du rester chez moi, devant mon câble. Contrairement au cinéma, le câble ne me déçoit jamais. Mais le film aurait-il été meilleur s'il avait été diffusé sur le câble et que j'avais pu le regarder dans le confort de Magda?

dimanche 18 février 2007

De héros à zéro

Vendredi soir, je décide de me gâter. La semaine a été éprouvante. Non seulement je prends la décision que je ne me ferai pas à souper, mais je me récompenserai avec un repas de soir de fête: des sushis! Je les ramenerai à la maison, où je pourrai les savourer devant le câble avec Attrayan, en buvant un peu d'alcool.

Une visite au Sushi-Shop, je fais ma commande. Monsieur, nous sommes désolés mais on a présentement pour plus d'une heure d'attente. Hésitation. Il est déjà 19h30. Bon, tant pis, je ne suis pas pressé, je reviendrai dans 1h15, appellez-moi si ça va plus vite.

Je traverse la rue et me rend à la S.A.Q., où j'achète une bouteille de saké. Oui oui, du saké, je ne me gâterai pas à moitié. Téléphone à Attrayan, qui veut que je lui ramène une bouteille de vin pour qu'il n'ait pas à se déplacer et qu'il puisse rester devant la télé.

Arrivée triomphale à l'appartement donc, avec les deux bouteilles, où Attrayan m'accueille littéralement en héros. Alors qu'Attrayan ouvre sa bouteille et s'en coule un généreux verre, je décide d'attendre mes sushis pour savourer mon saké. Nous nous installons confortablement dans notre salon et entamons l'épisode de The Office réalisé par Joss Whedon (étant des fans finis de Buffy et Firefly/Serenity, nous sommes excités comme des jeunes filles à la vue de Justin Timberlake). Oh que ce sera une belle soirée tout ça. Merci la vie!

30 secondes après le début de l'émission, Attrayan prend une première gorgée de son vin... puis grimace. Son vin est bouchoné. Il me fait goûter, pour questionner son jugement. Pas d'erreur, ce vin est probablement le plus bouchonné qu'il m'ait été donné de boire. Devant sa déception, je lui offre de m'accompagner lorsque j'irai chercher mes sushis et d'échanger sa bouteille dans le même voyage. Solution adoptée malgré sa déception et nous reprennons le visionnement de notre épisode.

5 minutes plus tard, le téléphone sonne. C'est monsieur Sushi-Shop. Désolé, je dois annuler votre commande, notre machine à riz vient de briser. Bonne soirée!

Bon. Prenez le temps de relire sa phrase, puis réfléchissez sur son absurdité. Un restaurant de SUSHIS a BRISÉ sa machine à riz? Quessé ça?! Ils ont juste UNE machine à riz? Come on, le riz est au centre de tout ce qu'ils font, leur commerce entier est basé sur le riz et ils peuvent pas être plus fiables que ça? C'est ridicule. Ils méritent de mourir. Ils méritent de se faire manger par un dragon. Bande de pas prévisibles pas fiables!

Mais avec tout ça, il est rendu 20h30, je ne veux pas boire mon saké sans sushis, Attrayan a un vin bouchonné et en plus, je n'ai plus de souper. Tant pis. L'univers s'acharne sur notre cas ce soir. La meilleure chose à faire: barrer la porte et empêcher la vie de nous atteindre, s'encabaner avec mon pote et regarder ce bon vieux câble, qui ne peux pas me décevoir.

Et souhaiter de tout mon coeur de ne pas avoir de panne d'électricité.

samedi 17 février 2007

Pour une paire de claques

Depuis des temps immémoriaux, il m’horripile de devoir marcher en pied de bas ou, pire, nu pied. Même chez moi, dans le confort de ma résidence, j’enfile sandale ou chaussure. Ça me prend du dur sous le pied sinon je ressens un profond malaise. Déambuler gaiement nu pied sur les verts chemins, c’est une hérésie de sale hippie. Moi, j’ai le pied chaussé et ça m’ancre au monde.

Bon, chez moi ça va, mais quand vient le temps d’aller visiter les vieux amis, c’est plus compliqué. Certains hôtes ont une sérieuse aversion du soulier dans la maison, ce qui pour moi est une violation du plus élémentaire devoir de bonne réception. Me promener en pied de bas et tenter de rester crédible auprès des convives?!? C’est peut-être bon pour Dobacaracol et sa bande de malpropres qui frappent sur des peaux, mais ce n’est pas digne d’un Vieux Garçon. Ainsi, je ne visite que les gens qui acceptent le soulier à l’intérieur. Mais voilà, il y a l’hiver.

La sloche, le sel, le calcium, bref le grand cocktail blanc. Je mets donc mes souliers dans un sac et, une fois parvenu à la réception, je les enfile subtilement. Il se trouve toujours quelques fumeux de pot pour me faire une remarque désobligeante du genre : « Voyons? Tu as apporté tes souliers? » Habituellement, je serre les dents et passe mon chemin. Au moins, j’ai du dur sous le pied. C’est tout ce qui compte.

Il n’en demeure pas moins que c’est un paquet de trouble que de traîner ses souliers partout. Et le transfert bottes à souliers finit par être gossant à un moment donné. Vous me voyez venir, n’est-ce pas? Je pensais que ça n’existait plus, j’avais abandonné tout espoir. Mais à l’heure de la haute technologie, des « iToutes » et des avancées prodigieuses dans toutes les sciences, une invention déjà vieille devait refaire son apparition dans ma vie et chambouler à jamais mon existence. Une vraie baffe en pleine gueule. Une vraie claque.

Le monsieur arrive. Il a l’air sage de celui qui a beaucoup vécu et son regard lointain semble tenir tout le savoir du monde. Il se tient au mur un bref instant, le temps de remonter sa jambe et d’un léger coup sec, dézipper l’enveloppe caoutchouteuse qui protège son soulier délicat, sec et dirt free. Il pose le pied au sol. Personne ne peut rester impassible devant cette douce sérénité, ce bien-être viscéral, cette certitude de faire partie du monde. En somme, le bonheur parfait.

Bon, les fidèles de Bob Marley ou autre mangeux de gazon diront que c’est pas beau une claque, que ça fait des gros pieds, que ça a l’air d’un morceau de pneu. À tous les détracteurs de la claque, je répondrai qu’au moins moi, je ne serai jamais plus un va-nu-pieds!
Quel soufflet! Quelle gifle! Quelle claque!

vendredi 16 février 2007

Le t-shirt

La semaine dernière, comme vous le savez, nous sommes allés voir un spectacle d’Arcade Fire. Sur place, on pouvait se procurer des t-shirts à l’effigie du groupe et publicisant le nouvel album.

Je ne suis peut-être pas asseztrendy mais je me demande pourquoi acheter de tels t-shirts? Ceux des petits groupes, rien contre, mais on parle ici d’un des groupes les plushypés au monde…

Payer 25$...
pour devenir une publicité? Pas certain que ça me tente.
pour pouvoir narguer les gens avec mon t-shirt qui prouve que j’étais là? Bof.
pour encourager le groupe? Sont-ils vraiment si cassés?
pour l’objet de collection? Si c’est le cas, attention de pas le mettre souvent au lavage.

Et une fois le t-shirt acheté, quoi faire avec? Existe-il un code, une entente sociale implicite sur la façon d’utiliser un t-shirt de groupe acheté dans un spectacle?

Personnellement, les gens qui enfilent immédiatement le t-shirt pour le porter pendant le spectacle me laissent toujours perplexe. Tout le monde a vus les t-shirts à vendre, tout le monde va le reconnaître et savoir que ça vient d’être acheté. Loin d’avoir l’air d’un fan du groupe, la personne aura plutôt l’air de quelqu’un… qui vient de s’acheter un t-shirt. Et tu fais quoi avec ton t-shirt que tu portais déjà? Tu agrandis le nouveau pour l’enfiler par-dessus?

Par ailleurs, je me demande quoi penser de ceux qui vont voir un spectacle et ont fait l’effort de revêtir leur t-shirt du groupe, mais d’une tournée précédente, question de laisser savoir à tous que eux, ils aiment le groupe depuis longtemps, depuis plus longtemps que nous tous. Pour moi, j’ai plutôt l’impression qu’ils n’avaient rien d’autre à mettre ce soir-là et que ce t-shirt reste, même après 5 ans, ce qu’ils ont de plus beau dans leur garde-robe.

Ne nous méprenons pas, toutefois. Le t-shirt de groupe peut rester appréciable, mais à condition d'être utilisé dans des conditions contrôlées :

- Il doit afficher un petit groupe underground, indépendant ou émergent. Des t-shirts de Justin Timberlake ou de Madonna, oubliez ça. Points bonis pour du québécois.
- Le t-shirt doit être joli. Un t-shirt horriblement laid, même s’il porte l’inscription des Flaming Lips ou des Yeah Yeah Yeahs, restera hautement répréhensible.
- Des dates de tournée dans le dos, c’est laid. Particulièrement si vous avez acheté le t-shirt à Londres parce que Montréal ou Québec n'étaient pas sur la liste.
- Le t-shirt ne doit pas être une photo d’un chanteur ou d’une chanteuse. Les photos sont laides sur un t-shirt. Un logo, un dessin, une silhouette, un élément de la pochette de l’album, ça, ça va. Mais une grosse photo de Jay-Z ou d'Eminem, ça ne va pas du tout!
- Les t-shirts d’artistes morts récemment, comme James Brown, sont très in. Par contre, ceux de groupes séparés ou de chanteurs morts depuis plus de 5 ans, comme Nirvana ou Janis Joplin, sont complètement out. (Donc si vous avez un t-shirt de James Brown, profitez-en intensément, portez le encore 2 ou 3 ans, et jetez-le, pendant que vous êtes encore cools).

jeudi 15 février 2007

Où étions nous?

Dans la dernière semaine, nous avons reçu plusieurs courriels nous demandant où nous étions la semaine dernière, alors que nous avions cédé notre blogue au Vieux Garçon Intello. L'une des réponses que nous pourrions vous donner est: nous étions au spectacle d'Arcade Fire.

Nous avons aussi entendu parler de la rencontre de blogueurs YULblog, qui fut la plus grosse ever. Aux questions sur le pourquoi de notre absence, on pourrait encore une fois répondre: nous étions au spectacle d'Arcade Fire.

Certains nous demandent plutôt si on a regardé le câble mercredi soir, si on a vu la très bonne émission qui a été diffusée. Une fois de plus: nous étions au spectacle d'Arcade Fire.

Et à ceux qui seraient tentés de nous demander ce qu'on a pensé du spectacle, si les nouvelles chansons sont bonnes, si c'était aussi mémorable qu'on le dit, si la salle sonne bien, nous répondrons simplement: on a pas l'intention de parler du spectacle, on voulait juste vous écoeurer là-dessus.

mardi 13 février 2007

C’est quand les coquerelles

Parfois, quand le disque dur de notre terminal Illico se remplit trop ou que les DVDs des saisons qui nous intéressent s’accumulent sur le meuble de la TV, on peut ressentir un certain relâchement dans le soutien de notre hygiène résidentielle. Ça commence par les journaux qui s’empilent sur la table de la cuisine, puis cette satanée vaisselle sale qui ne veut juste pas cesser de proliférer, puis les chatons de poussières qui deviennent rapidement de véritables matous. Il est possible aussi que la poubelle rate le passage des éboueurs et elle reste alors quelques jours de plus avec nous. Si elle saute plus d’un passage, ce qui arrive parfois bien malgré nous, la poubelle gradue à compost. Une plus ou moins subtile arôme de cadavre peut alors flotter dans l’air. Il est par conséquent tout à fait à propos de se demander : c’est quand qu’arrivent les coquerelles?

Les comptoirs sont plein de miettes, la vaisselle répond quand on l’appelle et mes pieds collent à certains endroits sur le prélart. Mais pas de coquerelles, ni de vermine, ni de fourmis, ni de perce-oreilles, ni rien finalement. Notre résidence est devenue un endroit propice à la prolifération des bibittes, une sorte de Woodstock pour les germes, les bactéries et toutes sortes de micro-organismes pas jolis, mais rien n’y fait, pas de coquerelles.

On finit par se résoudre, on prend une journée et on nettoie tout. La résidence devient alors clinquante, proprette et bonne odorante. On se dit qu’on a beau y mettre du nôtre, faire des miracles d’abandon d’estime de soi, repousser les limites du tolérable, on n’arrive toujours pas à être insalubres.

C’est à se demander si cette histoire de coquerelles ne serait pas un mythe inventé par nos mères et nos proprios pour nous forcer à faire le ménage. Une sorte de bonhomme sept heures de la propreté.
Vous sourcillez et je vous comprends mais, faites l’essai chez vous. Troquez le Hertel pour la télécommande et laissez votre lavabo se cerner, votre entrée se slocher, votre poussière se regrouper puis former un syndicat. Quand tout sera bien croûté, dans un abandon navrant et brun, vous remarquerez une chose extraordinaire : pas de coquerelles!

Ainsi, et les Vieux Garçons peuvent en attester, le ménage est du temps perdu à ne pas regarder le câble. Il ne sert à rien de préserver dans une certaine salubrité l’endroit qu’on habite si pour ce faire on doit manquer un bon programme. Sachez-le!

lundi 12 février 2007

Un conte (pour tous - et toutes)

Jeunes adolescent(e)s, nous avons tous connus notre éveil sexuel en nous amourachant naïvement d’une star de cinéma ou de vedettes du petit écran. Pour plusieurs femmes, l’intérêt vers les hommes se sera développé en regardant Patrick Swayze prendre Bébé lors d’une Danse lascive. Pour d’autres, ça aura été en voyant Johnny Depp dans Benny & Joon, Brad Pitt dans Légendes d’Automne ou Leonardo DiCaprio dans Titanic. Si aujourd’hui Swayze n’allume plus vraiment de feux, ses comparses font encore la pluie et le beau temps dans le cœur de toutes ces dames.

Comme plusieurs hommes de ma génération, j’ai personnellement découvert qu’une fille, ça pourait être intéressant, en admirant Fanny Lauzier dans le mémorable Conte pour tous La Grenouille et la baleine. Aaaahhh Fanny! Comme j’ai rêvé d’être un dauphin pour pouvoir lui parler à l’oreille, lui donner de doux baisers et la faire rire comme personne! Comme j’ai rêvé qu’elle monte sur mon dos, attrape mon aileron et qu’on parte se promener dans le monde, sa chevelure rousse au vent. Comme j’ai rêvé qu’elle pleure toutes les larmes de son petit corps en nous voyant être séparés! Je regardais le film sans cesse, ne me rendant pas compte que je vivais mon premier amour et que je découvrais un nouvel univers : les filles.

Quelques années passèrent et je vieillis, gardant ce doux souvenir comme une pensée que je chérissais. Je rêvais toujours de cet amour impossible entre la jeune et jolie Fanny et moi, son dauphin adoré, nous deux figés dans le temps.

Un peu plus tard, j’avais été surpris de la retrouver dans sa version moderne du chaperon rouge. Elle avait vieilli, certes. Elle avait maturé. De jolie jeune enfant, elle était devenue une admirable adolescente. Ah Fanny! Elle avait bien su attiser mon souvenir et rallumer le feu ardent de mon coeur pour elle. Elle était si belle, elle avait l’air si coquine, si adorable! Le passage des années lui allait comme un gant. Moi qui avait gardé en tête l’image d’une Fanny enfant, je découvrais que l’objet de mon amour n’étais pas d’ordre divin, mais vieillissait comme tous et chacun – et vieillissait diablement bien! J’étais rassuré : nous vivions dans un beau monde, remplit d’espoir, où les jeunes filles devenaient toutes ultra-jolies en vieillissant. Je rêvais du jour où j’aurais 20 ans, me disant que si les filles vieillissaient aussi bien, ce devait être la même chose pour les garçons. Il y avait donc espoir pour moi…

Puis, nous avons été séparés. Je n’ai pas revu Fanny durant de nombreuses années. Évidemment, son souvenir s’était un peu effacé, mais sa présence restait dans ma tête, tel un ange gardien, me rappelant que la vie était rose.

Puis, l’automne dernier, alors que je regardais un épisode de Lance et compte, elle m’est apparue. Certes, elle était maquillée pour faire croire qu’elle avait été battue et qu’elle avait pleuré toute la nuit, mais tout ce maquillage ne saurait masquer la réalité : elle n’était plus MA Fanny. Je ne la reconnaissais plus. Se pouvait-il vraiment que la femme que je voyais à la télé, plus ronde, plus vieille mais tout aussi rousse, soit vraiment la jeune fille que j’avais tant aimée? La fleur que j’aimais avait fâné. La douce enfant que j’avais aimée s’était maintenant transformée en comédienne un peu has-been sans charisme. Un rêve s’était brisé.

Ne faisant ni une ni deux, je pris la décision d’effacer ce moment de ma mémoire. Pour moi, Fanny Lauzier n’existerait plus. Il y a déjà longtemps, elle aurait pris la poudre d’escampette avec Julie Masse et se serait terrée dans une île lointaine, question que son souvenir ne puisse souffrir des années qui passent. Et elle aurait laissé à l’inconscient collectif québécois sa jolie frimousse portant un chaperon rouge.

dimanche 11 février 2007

Je suis venu te dire que je m’en vais

Les Vieux Garçons accueillent cette semaine un blogueur invité. Toute la semaine, il pourra poster autant qu'il le désire, mais jusqu'à ce soir seulement. Le Vieux Garçon Intello est notre blogueur invité de la semaine.

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Dans ses expressions et ses regards, surgit soudain l’inoubliable, qui confière à tout ce qui a touché cet homme l’autorité que revêt aux yeux des vivants qui l’entourent, à l’heure de la mort, même le dernier des misérables.
-Walter Benjamin

Et bien le voila, ce dernier texte qui restera gravé à jamais dans la blogosphère comme le « Rosebud » du Vieux Garçon intello à l’issue d’une semaine éprouvante. J’ai eu l’impression d’être ce personnage de John Belushi : The thing that wouldn’t leave, un invité qui s’éternise à la maison alors que les autres Vieux Garçons baillent depuis longtemps, mais qui s’ouvre une autre bière et monte la musique.

Tu me demandes : « Non mais,a vas-tu partir ta visite, a s'inscrustre....(sic) ». Et bien, oui. Je suis venu te dire que je m’en vais. Mais, avant de te dire adieu ou acropolis, il y a quelque chose que je voudrais planter dans ton souvenir, une dernière parole qui résonnera dans la grisaille de l’hiver et pour les mois à venir.

Tout en simulant la retraite face aux armées ennemies, les Parthes d'Iran et d'Afghanistan tiraient des flèches à dos de cheval. D'où l'expression « décocher la flèche du Parthe », flèche que l'on reçoit au dernier moment, sans s'y attendre. Voici, en quelque sorte, mon Auguste chant du cygne!

« Acta est fabula, plaudite! »

Cette société est vachement sympathique et transparente, conviviale et accessible. Ou du moins elle le prétend. Et elle s’hérisse contre tout ce qui prétendrait la forcer à regarder vers le haut (ou à être prise de haut). C’est qu’elle a pris en haine toutes les hiérachies, mais aussi tous les idéaux.

Même la parole n’a plus le droit de s’élever au-delà des banalités convenues. Et c’est là tout le drame : le récit, s’il a le malheur d’instaurer quelque distance qui soit face à la « réalité », se trouve disqualifié d’avance.

C’est sans doute par cynisme que les Vieux Garçons ont fait appel à moi, car ils savaient que ma prétention, ma vanité et la densité de mon discours (directement proportionnel à l’étendue de ma connaissance) agiraient en quelque sorte comme l’envers de leur univers ordinaire.

Je sais, ça t’as déplu. T’inquiètes, tout cela sera vite très lointain, si ce ne l’est déjà, avant même que je ne l’aie écrit. Tu ne trouveras plus mon altérité radicale sur le chemin de ta singularité-bulle. Et tu peux bien tout m’arracher, le laurier et la rose, il y a deux choses que, bien malgré toi, j’emporte. D’abord, mon panache. Mais surtout mon souci du monde.

« Renverser les monuments pour voir les vers qui grouillent en dessous » disait Vadeboncoeur. En dessous de quatre couches de verbiage, il y a chez le Vieux Garçon intello un souci réel de ce qui advient de cette société engagée dans une crise majeure des formes de narration, à tel point qu’elle n’en arrive plus à écrire son histoire. Or, cette histoire est aussi la tienne.

Aujourd’hui, « de ceux qui prête l’oreille la communauté disparaît » (Benjamin). Si je te tire par l’oreille, c’est pas pour te prendre de haut. C’est parce que sinon, je serai foutrement seul.

Excusez moi

Les Vieux Garçons accueillent cette semaine un blogueur invité. Toute la semaine, il pourra poster autant qu'il le désire, mais jusqu'à ce soir seulement. Le Vieux Garçon Intello est notre blogueur invité de la semaine.

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J'avertis le lecteur que ce chapitre doit être lu
posément, et que je ne sais pas l'art d'être clair
pour qui ne veut être attentif.


- Jean-Jacques Rousseau (1712-1778), Du contrat social

Excusez moi, je n’ai pas écrit hier, mais j’étais très occupé. Car je suis très occupé et j’ai fort à faire. Plus que vous.

Je sais que cela peut être difficile à comprendre. Vous avez aussi l’impression d’être occupés, seulement vous ne l’êtes pas autant que moi. Cela rend ma tâche difficile, puisque pour vous expliquer à quel point je suis occupé, je dois d’abord faire la démonstration que ce que vous pensez connaître du signifiant occupé ne recoupe que partiellement toute la richesse de l’expérience d’être occupé pleinement.

Si j’ai été si occupé, c’est entre autres qu’en préparation du dernier texte du dimanche, dont je n’aurai sans doute pas le temps d’assurer, pour le bénéfice de tous, la présence au monde, j’avais entrepris hier, avec l’assistance d’un ami sans manières, un programme d’apprentissage de la langue vulgaire et des manières des masses dont l’objectif était d’une part de faire taire toutes les critiques excessives à mon égard, et, d’autre part, d’offrir enfin, de manière accessible, une passerelle au contenu de ma pensée, désormais rapprochée du niveau de langage banal et sympathique qui explique sans aucun doute la popularité des lieux de bavardage virtuels.

Nous avons d’abord branché des Ipod sur nos tympans et activé la lecture d’enregistrements de radio populaire (Rythme FM), où les animatrices gloussent sans cesse. Nous avons ensuite ingurgité du Pepsi, une poutine, des chips au ketchup Maple Leaf (ce qui me fût passablement pénible après le tartare de l’Express d’hier, je vous assure!), avant d’aller arpenter les promenades Ontario. C’est fou, tout ce qu’on peut voir là! Des gens qui n’ont même jamais, jamais je vous dit, lu Kant, Heidegger ou Hegel! Et qui respirent pourtant, et qui se trainent d’un endroit à l’autre avec une conviction déroutante. Un gamin de dix ans se faisait sermonner par sa mère qui jurait comme un charbonnier.

Nous sommes vite revenus sur le Plateau. J’étais assez ébranlé. Mon ami, rustre mais cinéphile, avait apporté plusieurs oeuvres que je ne connaissais pas. Une satire sur le sport professionnel avec Rémi Girard, un portrait plutôt dur sur la colonisation des esprits au Canada-Français, avec Julien Poulin, et un polar policier, avec Patrick Huard.

L’affaire n’aurait pas été complète sans une sortie au 1250 Saint-Denis, un débit de boisson où j’ai été contraint d’avaler le contenu de dizaines de petits contenants de plastique (ils avaient l’affront d’appeler cela de la bière), entouré de prostituées cocaïnomanes.

Je crois donc que je suis prêt à vous écrire quelque chose d’accessible pour une première fois, j’ose espérer terminer tantôt, mais je suis très occupé, plus que vous, à preuve, je suis en train d’écrire ceci alors que je n’ai pas le temps, alors que vous avez visiblement le temps de me lire. Ce qui, j’espère, contribuera à montrer que la réalité foisonnante déborde les mots dans laquelle vous l’enfermez, mais que je consentirai tout de même à utiliser dans le prochain texte, et ceci par stricte générosité.

vendredi 9 février 2007

Dans deux jours : une fin comme une autre

Les Vieux Garçons accueillent cette semaine un blogueur invité. Toute la semaine, il pourra poster autant qu'il le désire, mais jusqu'à dimanche prochain seulement. Le Vieux Garçon Intello est notre blogueur invité de la semaine.

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Si tu savais comme je lutte de tout mon souffle
contre la malédiction de bâtiments qui craquent
telles ces forces de naufrage qui me hantent
tel ce goût de l'être à se défaire que je crache

-Gaston Miron

Dimanche approche.

Je ne me souviens plus qui disait « lorsque tout le monde pense la même chose, c’est que personne ne pense beaucoup ». Cette impression de tourner un page d’un roman d’Orwell à chaque coin de rue, à chaque regard croisé. Cette impression de respirer à contre-sens de la frénésie qui habite la réalité.

Je ne parle pas des accomodements déraisonnables. Ce n’est pas qu’il n’y aurait pas là matière à s’interroger sur la dissolution du politique et la micro-production locale de réglements de piscine (Hérouxville), et tout le lien à faire entre multiculturalisme et logique de marché, où tout ce qui sait déployer un certain rapport de force peut s’arroger le droit d’exister. Les autres, on les écrase, comme des mégots-boulot-dodo.

Ce n’est pas non plus que je n’aurais pas envie de parler du dégel des frais de scolarité. Mais faudrait commencer par dégeler nos ministres, qui sont tous high sur la compétitivité, bandés comme des fans de tennis en plein soleil. Après avoir enterré l’éducation, pourront postuler comme fossoyeurs pour le compte du cimetière génréalisé auquel se réduiront les sociétés. Je vous ai dit que je devais moi aussi m’acheter une paire de bottes? Je n’ai hélas pas encore eu le temps. Comprenez-vous, c’est qu’il faut surtout libérer l’avenir du futur déjà présent.

C’est que, vous voyez, il faut travailler plus en mangeant des sandwichs au jambon (Stand up for your rights!), s’entrainer à la vue de tous dans des gymnases de verre pour que tout le monde voit bien qu’on s’esquinte à courir sur le tapis de la productivité pour s’adapter au plus vite au monde qui est déjà rendu 5 ans en avance. Les assistés sociaux devraient s’y mettre aussi, et les religions passéistes que leurs traditions empêchent de pousser de petits hurlements de plaisir à chaque secousse du Dow Jones en toute liberté devraient aller se faire foutre. Et Tout le monde en parle! Où plutôt, tout ça parle. Et nous faisons écho.

Et ben, moi, j’aurais envie de dire autre chose. Je ne sais trop quoi, j’ai trop de mots qui débordent de la petite case dans laquelle chacun doit dresser sa croix. Du petit réduit contigu que la réalité encore non-économique laisse à nos paroles. Avez-vous déjà fait tenir une feuille de papier sur un mur avec votre seul souffle? Elle tombe inexorablement après quelques secondes. Les mots font la même chose, ils se heurtent à la paroi. Miron dirait : « des éclats sourds de béton sur tes parois ».

Vendredi. Déjà, bientôt, je ne parlerai plus. Le silence libérateur que certains appellent de leur voeux règnera enfin. « Ce jour sera la mort d'un homme de courage inutile » (Miron). Deux jours, et c’est tout, pour vous dire l’envers des choses. Mince, c’est peu...

jeudi 8 février 2007

S'asseoir sur un banc

Les Vieux Garçons accueillent cette semaine un blogueur invité. Toute la semaine, il pourra poster autant qu'il le désire, mais jusqu'à dimanche prochain seulement. Le Vieux Garçon Intello est notre blogueur invité de la semaine.

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Il y a de ces objets dont la seule texture suffit à rappeler qu’il existait autrefois un monde qui était fait d’autre chose que de lamelles de verre friables sur-lesquelles-il-ne-faut-laisser-aucune-trace (mais qui n’hésitent pas à se lancer, assassines, du haut des airs), de béton armé et de tuyauterie de ventilation exhibée sans pudeur à la manière dont on montrerait des viscères plastinées.

Avant l’ère postmoderne de l’obscènité architecturale, de l’exhibitionnisme immobilier et de la transparence totale, le monde était peuplé d’objets sensuels et uniques qui appelaient le désir, attiraient vers eux les pulsions libidinales et encourageaient des relations sociales toutes faites d’avidité de l’Autre.

Je parle de ces objets qui se laissaient habiter de la personnalité de l’usager et qui n’étaient pas jetés par prédestination. Une pipe, un blaireau de grand-père, une vieille paire de jumelles, un vieux Buick à banquette unie. Et le classique : un vieux sofa beige-brun shaggy, dégageant à lui seul plus de chaleur que les inventaires d’Ikea, même enduits de kérosène et incendiés.

Jean Baudrillard disait juste dans Le système des objets :

« Plus de lits pour être couché, plus de chaises pour être assis, mais des sièges « fonctionnels » qui font de toutes les positions (et donc de toutes les relations humaines) une synthèse libre.
Tout moralisme en est exclus : vous ne faites plus face à personne. Impossible de s’y mettre en colère, impossible d’y débattre ou d’y chercher à convaincre. Ils conditionnent une socialité assouplie, sans exigence, ouverte, mais sur le jeu.
Du fond de ces sièges, vous n’avez plus à soutenir le regard d’autrui ni à fixer le vôtre sur lui : ils sont ainsi faits que les regards sont justifiés de n’avoir qu’à se promener sur les autres personnes, l’angle et la profondeur du siège ramenant « naturellement » les regards à mi-hauteur, à une attitude diffuse où ils sont rejoints par les paroles.
Ces sièges répondent peut-être à une préoccupation fondamentale : n’être jamais seul, mais jamais non plus face à face.
»

Je parle de de brave fauteuil Magda, bien sûr, mais à travers elle, de tout un univers sensible dont nous ont dépossédés les fabricants d’espaces fonctionnels et aseptisés. Un Vieux Garçon a besoin du contact de l’autre. Il aime ses objets cool, certes, mais aussi ses vestons de tweed laineux et ses chandails Nintendo. Mais il a surtout besoin de la présence de l’Autre.

Il ne survivrait pas plus de cinq minutes dans l’environnement dépersonnalisé des magasins tout blancs à l’éclairage blasté de la rue Saint-Laurent où une seule chaussure est en display sous un spot blafard. Sans parler de la musique...

C’est peut-être pour ça qu’à la résidence des Vieux Garçons, où il m’arrive parfois de m’arrêter pour tenter d’insuffler un peu de vie intellectuelle à mes deux camarades scotchés à leur téléviseur, on ne fait guère le ménage. Parce qu’au milieu de miettes, des bouteilles vides et des chips périmés, on sent que « quelque chose » de vivant se trame.

mardi 6 février 2007

Les Vieux Garçons contre le Travail

Les Vieux Garçons accueillent cette semaine un blogueur invité. Toute la semaine, il pourra poster autant qu'il le désire, mais jusqu'à dimanche prochain seulement. Le Vieux Garçon Intello est notre blogueur invité de la semaine.

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Le travail c'est la santé ; ne rien faire, c'est la conserver.
-Henri Salvador

Nous sommes forcés d’en arriver à une évidence manifeste : le mode de vie des Vieux Garçons est à ce point en rupture avec la société capitaliste avancée qu’il figure parmi les plus révolutionnaires qui soient aujourd’hui.

Oubliez le Parti communiste, Québec solidaire ou les manuels brochés de la librairie anarchiste. Si, en Allemagne, ce sont les marxistes du groupe Krisis qui se sont faits les porte-parole actuels de la lutte anti-Travail avec leur « Manifeste contre le travail », le Québec a sa propre frange radicale, mais elle se terre dans l’endroit le plus improbable : un salon encroûté de Montréal.

Lorsqu’ils choisissent, par exemple, de rester à la maison pour ne manquer aucune de leurs téléséries favorites plutôt que d’aller travailler, les Vieux Garçons se font les hérauts contemporains de la pensée anti-Travail de Paul Lafargue, gendre de Karl Marx et auteur du « Droit à la paresse ».

En effet, et contrairement à ce que l’on pourrait penser, bien avant l’accumulation de la valeur et du profit, le capitalisme repose sur le contrôle du temps et de la liberté d’autrui.

Or, si l’on en croit la maxime qui veut que « la révolution commence dès lorsqu’on se permet une petite sieste », on ne peut qu’en arriver à la conclusion que le mode de vie des Vieux Garçons est révolutionnaire et anticapitaliste dans sa nature organique même.

Les Vieux Garçons préfèrent le plaisir de la télévision au labeur et n’hésitent pas à refuser l’Idée qu’il faille travailler (ce que nombre de partis politiques réformistes n’arrivent même pas à faire, appelant de tous leurs voeux la « création d’emplois »). Les Vieux Garçons préfèrent le recours à l’action directe (le couch-potatoing) comme moyen de réappropriation temporelle subversive.

Le système du tittytainment élaboré par l’élite mondiale se retourne ainsi contre elle : alors qu’elle prévoyait écraser la résistance des exclus de la production en la gavant d’images abrutissantes, ces mêmes images abrutissantes, entre les mains des Vieux Garçons, deviennent des armes pour revendiquer le droit à la paresse et faire voler en éclat les catégories mêmes de la valorisation capitaliste et du Travail, délégitimées dans leurs fondements par le Refus de pigistes cyniques. Les Vieux Garçons sont des icônes socialistes. Point.

24 : interpassivité lacanienne et mutations éthico-politiques barbares

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Seuls les Super-héros peuvent s'offrir une vie en couleur.
-Alan Moore

Les Vieux Garçons vouent un véritable culte au personnage de Jack Bauer de la série 24, interprété par le dur-à-cuire Kiefer Sutherland. Nous tâcherons de savoir pourquoi, tout en montrant que le message de la série 24 n’est pas teinté d’héroïsme, mais de barbarie postmoderne.

Le psychanalyste slovène et lacano-marxiste Slavoj Zizek utilise l’exemple du rire-en-boîte des émissons de télévisions fromagées (cheezy) pour expliquer le concept d’interpassivité, c’est-à-dire ce décentrement qui conduit le sujet à transférer la responsabilité et l’acte jouissance à un objet inanimé, en l’occurence la télévision :

« L'envers nécessaire de mon interaction avec l'objet n'est-il pas cette situation où l'objet lui-même me prend ma propre réaction passive de satisfaction (ou d'ennui ou de rire), m'en prive, en sorte que c'est l'objet lui-même qui prend plaisir au spectacle à ma place, me soulageant du devoir "surmoïque" de m'amuser...? De nos jours, selon les récentes investigations américaines, même la pornographie fonctionne de plus en plus de façon interpassive. Les films classés X ne sont plus, avant tout, des moyens destinés à exciter l'utilisateur dans son activité masturbatoire solitaire. Le simple fait de regarder l'écran où l'action a lieu est suffisant, c'est-à-dire qu'il me suffit d'observer comment les autres prennent du plaisir à ma place ».

Ainsi, pourrait-on dire, les Vieux Garçons pratiquent une certaine forme de masturbation héroïque interpassive en laissant au personnage Jack Bauer le soin de souffrir et de triompher à leur place pendant qu’ils mangent du poulet livré, bien calés dans Magda.

Barbarie éthique

Véritable démiurge, le personnage de Bauer se sort des situations les plus inimaginables sans jamais sourciller. Ses relations amoureuses, ses liens familiaux et ses amitiés lui tenaillent le coeur, mais jamais au point de l’empêcher de faire « what is right » pour la sécurité nationale des États-Unis d’Amérique. Ainsi, Bauer n’hésite pas à recourir à la torture ou à placer sa propre vie en danger pour répondre à l’urgence et à la nécessité.

D’après le psychanalyste slovène et lacano-marxiste Zizek, l’univers de 24 est un lieu où sont suspendues les normes morales usuelles. Pire encore, faire preuve de compassion alors que des millions de vies humaines sont en danger serait une faiblesse impardonnable. Le message de la télésérie est ainsi que les personnages qui pratiquent de la torture légitime peuvent conserver malgré tout leur humanité et leur dignité et doivent aller de l’avant avec cette sale besogne, un « mensonge profond » d’après Zizek, qui en fait les émules hollywoodiennes de la barbarie de Himmler.

L’univers diégétique de 24 apparaît ainsi comme un no- man’s-land moral dénormativisé dans lequel, musique martiale aidant, peuvent être projetées toute agressivité, virilité, intolérance et insensibilité à l’égard de l’autre. Bauer incarne la figure du corsaire sanguinaire contemporain, le Lone Ranger a lunettes d’aviateur dans lequelles se mirent des miliers de jeunes hommes trouvant ainsi, en extériorité, la projection fantasmatique d’une vie où ils n’arrivent plus à jouïr, avachis devant l’écran.

Est-ce par hasard qu’ils écouteront ensuite Les invincibles, hébétés? Au final, 24 permet aux millions de vaincus que l’époque postmoderne exclut déjà de la jouissance sensible du monde (du « partage du sensible », pourrait-on dire, en paraphrasant Jacques Rancière) de trépider hors de leur ennui.

Comme le disait en 2002 l’anthropologue Serge Bouchard, « Notre histoire se déroule devant nos yeux. Nous sommes drogués des dieux vedettes qui vivent une vie pleine à la face de notre vie vide ».

lundi 5 février 2007

Câblodistribution, blogue et renvoi de la fiction hors du monde

Les Vieux Garçons accueillent cette semaine un blogueur invité. Toute la semaine, il pourra poster autant qu'il le désire, mais jusqu'à dimanche prochain seulement. Le Vieux Garçon Intello est notre blogueur invité de la semaine.

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À la fatigue succède le sommeil, et il n’est pas rare que le rêve nous dédommage de la tristesse et du découragement de la journée, en réalisant l’existence très simple, mais vraiment grandiose, que nous n’avons pas la force de construire dans l’état de veille[1].
-Walter Benjamin

Un phénomène comme celui des Vieux Garçons eût été impensable il n’y a de cela que quelques décénnies, alors que les jeunes hommes adultes ne pensaient qu’à conduire des Thunderbirds décapotables pour attirer les regards des filles, rêvant de liberté à l’âge d’or des « Trente Glorieuses ».

Hélas le choc pétrolier, né des suites de la guerre du Kippour, en 1973, provoque la fin abrupte de cette période d’abondance : avec lui, l’horizon se ferme et l’avenir s’assombrit. La promesse de prospérité collective du capitalisme s’évanouit dans les abîmes des années 1980, à la fin desquelles le socialisme « réel » disparaîtra lui-aussi, emportant dans son sillage les derniers idéaux délavés qui rattachaient encore l’individu au commun.

Les années 1980 s’ouvrent sur fond de désorientation idéologique et de désarroi culturel profond. Elles verront naître les pires inepties en matières musicale et vestimentaire (guitare-piano, fuschia). C’est au milieu de cette désolation que naît la génération solipsiste de laquelle sont issus les Vieux Garçons.

Comme autant « d’enfants criant dans les langes sales » (Benjamin) d’une époque post-référendaire où s’accumulent partout les décombres des espoirs effondrés, les Vieux Garçons poussent comme des perce-neiges dans la steppe plate et désincarnée de la récession économique.

Les Vieux Garçons sont le produit d’une époque qui, en se délestant de toute idéalité, a renvoyé la fiction hors du monde, projetant sur les écrans un univers mirobolant et enivrant auquel s’oppose une réalité de plus en plus fatale et désincarnée, voire mécanique.

Les voici aujourd’hui accrochés à l’écran comme à une dernière parcelle de rêve, tellement purs qu’au moment où la société a renvoyé le rêve hors de la réalité pour l’enfermer dans un écran tv, ils n’ont pu faire autrement qu’accompagner ce mouvement, préférant nettement s’isoler des déceptions du “monde vécu”, des relations amoureuses plastiques, de la bière, du Travail et des autres inepties de la société postmoderne.

S’ils écrivent aujourd’hui des posts réguliers, c’est qu’il subsiste encore chez eux l’espoir (le fantasme?) de rebâtir à travers la blogosphère le monde commun perdu. Faut-il les blâmer de chercher dans l’écran, dernier interlocuteur et dernière présence qui subsiste encore dans la société impersonnelle, une planche de salut encore susceptible de réintroduire quelque maigre part d’humanité dans le réel aplati? Il y a fort à parier que cela ne serve qu’à substituer la connexion électronique au lien social désséché.

Il faut malgré tout reconnaître chez ces Vieux Garçons une volonté de résistance et un Grand Refus (Marcuse) de cet ordre établi qui sonne le toc, n’arrivant même pas à la cheville d’un pied de fauteuil, Magda, vestige d’une époque plus authentique où les objets n’exerçaient pas l’emprise de leur séduction sur des êtres creux, mais renvoyaient aux hommes l’image d’un monde habitable à leur guise ou l’espoir avait encore une place de choix entre les chips et les DVD.

dimanche 4 février 2007

Soirée politique

Cette semaine, je me suis retrouvé dans un événement partisan pour un de nos gros partis politiques importants. Je n'y étais pas présent par convictios, encore moins par excès de militantisme mais parce que j'étais engagé pour un contrat (puisqu'il faut bien le payer, ce câble).

Tous les réseaux de télé étaient là, et le soir même, j'ai vu aux nouvelles tout plein d'images que j'avais déjà vues live. C'était bizarre, j'ai eu l'impression d'avoir vu la télévision à sa source-même, avant qu'elle ne soit mise en canne dans la boite à images. Drôle d'impression weird mise en abîme post-moderne.

M'enfin. Je ne vous dirai pas c'était pour quel parti, mais j'ai passé quelques minutes dans une pièce fermée en compagnie du chef du parti et de ses principaux conseillers. Si le chef ne m'a jamais jeté le moindre coup d'oeil et que je n'ai jamais existé dans sa réalité, j'ai quand même pu remarquer qu'il portait un parfum très très odorant qui n'était pas des plus masculins... Les moments comme ça sont toujours décevants.

vendredi 2 février 2007

Maman veut mon bien

Mercredi soir, mon téléphone sonne. C'est ma mère, qui m'appelle pour m'inviter à déjeuner jeudi matin, comme ça, sans raison. Louche. Pour me rassurer, elle me dit que c'est en fait pour venir me donner de la nourriture, et qu'on pourrait aller déjeuner par la même occasion, question que je puisse témoigner de ma gratitude. Fair enough, comme disent les anglos.

Jeudi matin, donc. Ma mère débarque dans notre résidence de Vieux Garçons, nous laisse de la nourriture au frigo et m'amène déjeuner. À la sortie du restaurant, l'automobile prend soudainement une autre route que celle qui me mène chez moi. Je regarde ma mère l'air inquiet alors qu'elle regarde droit devant elle, sans répondre à mon regard interrogatif. Et je comprends. J'ai été victime d'un subterfuge maternel. Ma mère m'a doublement attiré par mon ventre et je me suis jeté dans un guet-apens mis au point par l'infâme ruse de ma mère. Enfer et damnation! Je savais que je devais me méfier de toutes les femmes, mais je me pensais en sécurité avec ma propre mère! C'est l'erreur qui me sera fatale!

Je regarde la route passer, à mesure que l'auto engloutit les kilomètres. Nous ne sommes pas encore sortis de l'île que, déjà, je sais où elle m'amène. Il y a quelques jours, elle avait bien tenté de me convaincre d'aller chez la dentiste, mais j’avais manifesté mon dégoût et lui avait dit qu’il n’y avait aucune chance que je décide de m’y rende par moi-même. Même si l’argument mais ça fait au moins 6 ans que tu n’y est pas allé n’était pas venu à bout de ma résistance, j’avais oublié qu’une mère a plus d’un tour dans son sac et qu’elle ne serait pas découragée à la première résistance.

Plusieurs minutes plus tard, son automobile s’est immobilisée devant l’affiche Dentiste et j’ai été forcé d’y mettre les pieds. Complices du kidnapping, les employés m’y attendaient avec grands sourires. Contents que tu viennes enfin nous visiter, depuis le temps que ta mère nous parle de toi!

On me tend un questionnaire que je dois remplir. Non, je ne souffre pas d’allergies à un médicament. Non, je ne fume pas et ne prend pas de drogues. Références : ma mère que vous connaissez très bien je crois. Je remets le questionnaire et l’hygiéniste dentaire m’amène dans une salle. On m’envoie des radiations de plutonium dans la tête, question de voir si j’ai des caries. C’est super, cette technologie : pour me soigner les dents, on m’envoie des radiations radioactives en plein dans ma tête, tout près de mon cerveau. Gé – ni – al.

L’hygiéniste dentaire m’amène dans une salle, m’assoie sur la chaise et m’ouvre la bouche. Elle entre un batôn en métal et tâte mes dents. L’air inquiet, elle me dit ça fait longtemps que tu as eu des soins dentaires?. Moi qui est tout fier d’avoir évité ces endroits pendant 6 ans, j’ai soudainement l’impression que cette réponse ne fera pas bonne impression. Et pour cause. L’hygiéniste sort un cartable et me montre des photos. Des mots sortent de sa bouche : tartre, gingivite, calcaire, grugement d’os… Je suis officiellement inquiet, mais ça ne doit pas être si grave, elle n’a pas parlé de caries! Oh mais c’est bien plus grave et dangereux que des caries, tout ça! Eh merde.

On commence donc l’opération nettoyage, ou détartrage intense. Qui durera plus d’une heure. Qui fait mal. Qui se termine par je pourrai pas tout faire aujourd’hui, il faudra revenir une autre fois. Et à l’avenir, il sera très important de venir aux 6 mois. Ça y est, je suis officiellement paniqué. Oui oui madame, tout ce que vous voulez, je reviendrai!

La dentiste arrive alors. Elle jette un coup d’œil distrait aux radiographies, rentre son bâtonnet de métal dans ma bouche. Tâte une, deux, trois dents. Bon, tu as deux petites caries. On t’arrangera ça en même temps que tu reviendras pour la suite du nettoyage. Elle range ses outils et ressort, du même air blasé. L’hygiéniste dentaire me regarde, plein sourire : c’est super hein! On va tout faire du même coup la prochaine fois! Curieusement, je ne suis pas rassuré.

Je me rends à la porte et récupère mon manteau. L’hygiéniste dentaire me crie par-dessus le comptoir : c’est bien ton père qui vient tantôt? Probablement. Si ma mère est capable d’être aussi maligne avec son fils, elle est assurément capable de l’être tout autant avec son mari. Il ne veut pas venir, mais lui aussi a besoin d’un bon nettoyage! Ta mère a réussi à le forcer à venir mais ne lui dis pas ce qui l’attend! Sinon il ne viendra pas!!

Oh, madame l’hygiéniste dentaire, soyez assurée que mon père viendra à son rendez-vous. C’est ma mère qui s’en assurera personnellement…

jeudi 1 février 2007

Fondation Vieux Garçons

Le jour de gloire est arrivé et vous pouvez cocher le 1er février 2007 à votre agenda comme étant une date qui fera l'histoire. Oui! Vous avez deviné! Nous offrons désormais un nouveau service de câblopartage!

Vous avez bien lu! Vous pouvez désormais commander les Vieux Garçons à domicile et passer avec eux une agréable veillée de câblodistribution! C’est drôlement incroyable, nous savons. Il est possible que des étoiles dansent en ce moment devant vos yeux. C’est tout à fait normal. Prenez une bonne respiration et lisez plus bas pour en savoir plus!

Wow : une soirée avec les Vieux Garçons! Comment rendre ce rêve possible? Rien de plus simple! La Fondation Vieux Garçons est là pour vous. Il vous suffit de contacter la Fondation Vieux Garçons à l’adresse courriel suivante (vieuxgarcons@videotron.ca) et le tour est joué! Moyennant une très modique somme, les Vieux Garçons se rendront chez vous pour câblopartager une soirée unique en votre compagnie!

Enfin! Plus besoin de passer une soirée seul! Vous nous voulez pour une semaine? Aucun tracas! Informez-vous sur nos forfaits avantageux. Vous êtes étudiant? Sur présentation de votre carte, vous obtiendrez un tarif très économique. La Fondation Vieux Garçons offre un service professionnel et unique qui comblera toute la famille. Demandez à connaître nos divers spéciaux pour les anniversaires, la Saint-Valentin et même le Yom Yérouchalaïm ou que sais-je encore!

Néanmoins, quelques conditions s’appliquent :

1. Toute commande doit être faite pour les deux Vieux Garçons. Nous ne sommes pas vendus séparément.
2. Des frais de transports seront appliqués à toute commande effectuée pour l’extérieur de Montréal. Nous ne desservons que le « 514 » et le « 450 » et le second vraiment plus par pitié que par réel souci d’élargir notre clientèle.
3. Si vous n’avez pas le câble, un léger supplément vous sera facturé sous la mention « dédommagement pour cause de télévision publique ».
4. Nous ne sommes pas des prostitués mâles. Ainsi, toute requête à caractère sexuel sera accueillie avec mépris.
5. Nous n’acceptons pas les cartes de crédit parce que c’est trop compliqué. Les chèques doivent être émis directement à la Fondation Vieux Garçons.
6. Nous pouvons vous émettre un reçu d’œuvre caritative pour vos impôts. Ne cherchez pas la joke, on ne fait pas de jokes avec les œuvres caritatives.
7. Pour un très considérable supplément, nous amenons Magda.
8. Pour un encore plus très vraiment trop considérable supplément malade de fou, vous pouvez venir visionner le câble directement dans la résidence des Vieux Garçons.
9. Pour toute location de plus d’une demi-heure, vous devez fournir un goûter.