Plus tôt, cet été, une amie a reçu quelques copains - dont moi - à souper. La conversation variant d'un sujet à l'autre, je finis par toucher le sujet de l'heure: la chanson
100 years from now de Dennis DeYoung et Éric Lapointe. Entre un ami qui voue le même culte que moi à cette ignoble chanson, l'excitation monte. On se confie où on l'a entendue pour la première fois, on se partage des rumeurs d'anecdotes de spectacles avec les deux chanteurs, on se chante des bouts, c'est l'euphorie. Nous sommes groupies.
Une chanson d'Éric Lapointe et... qui? nous demande une amie, incrédule devant notre enthousiasme. Dennis DeYoung! Le vieux hasbeen de Styx! Voyons! Tsé, il ne pogne plus nulle part sauf au Québec! Aiguillé par des génies du marketing, le gars s'est fait copain-copain avec une de nos vedettes locales pour enregistrer une nouvelle chanson... bilingue! Et ça donne
100 years from now, une chanson sirupeuse entendue mille fois, à moitié pop à moitié métal et complètement médiocre.
Ah désolé, je ne l'ai pas encore entendue nous balance un autre ami. Offusqué voire carrément insulté, l'ami qui la fredonnait avec moi précédemment s'insurge que la chanson joue tout le temps à la radio.
Je dois pas écouter les bons postes! réplique l'ami. Je lève un sourcil. Impossible, la chanson joue carrément partout, sans arrêt. J'ai du mal à y croire.
Eh ben, je porterai attention envoie l'ami ignare, tentant de clore le sujet. Ça ne se passera pas comme ça. Je me lève et j'allume la radio. Ça joue tout le temps, ça doit bien jouer en ce moment! Mais non, le premier poste nous ballance une mièvrerie d'une fille à la voix interchangeable. Le second aussi. Le troisième entame une chanson intemporelle de Dany Bédar et le quatrième est en bloc de publicités. Ça y est. Notre méga succès jouera au retour, c'est certain. On prend notre mal en patience. On écoute la radio. Plus personne ne parle dans le groupe. L'attention de tous est rivée sur les hauts-parleurs.
De retour à CKOI, on écoute maintenant une chanson de... et une autre chanson poche commence. Eh merde. La tension redescend au sein du groupe et l'envie revient de revenir à des sujets plus triviaux revient. Ça ne se passera pas comme ça. J'empoigne le téléphone, compose un numéro et le porte à mon oreille.
Où t'appelles? me lance-t-on. J'appelle CKOI pour demander la chanson!
Tous les visages se retournent vers moi. Des sourires s'esquissent. J'ai à nouveau l'attention de tous. Au bout de la ligne, le téléphone sonne. Mon enfance passée à appeler dans les stations de radio me sert enfin.De quelques secondes, mon attente passe à quelques minutes. Les discussions ont repris et on ne se soucie plus de moi. Et l'animatrice répond. Je hurle littéralement. JE VEUX ENTENDRE LA TOUNE DE DENNIS DEYOUNG ET ERIC LAPOINTE!!! L'animatrice éclate d'un rire franc.
Désolé mon chum, on vient juste de la jouer avant le bloc de pubs, je ne peux pas te la rejouer tout de suite! Désolée!Je raccroche, choqué. Tous les copains me regardent.
Et puis? Elle va la jouer, ta chanson? Non, ils nous la joueront pas: ils la jouent trop souvent!