mardi 6 février 2007

24 : interpassivité lacanienne et mutations éthico-politiques barbares

Les Vieux Garçons accueillent cette semaine un blogueur invité. Toute la semaine, il pourra poster autant qu'il le désire, mais jusqu'à dimanche prochain seulement. Le Vieux Garçon Intello est notre blogueur invité de la semaine.

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Seuls les Super-héros peuvent s'offrir une vie en couleur.
-Alan Moore

Les Vieux Garçons vouent un véritable culte au personnage de Jack Bauer de la série 24, interprété par le dur-à-cuire Kiefer Sutherland. Nous tâcherons de savoir pourquoi, tout en montrant que le message de la série 24 n’est pas teinté d’héroïsme, mais de barbarie postmoderne.

Le psychanalyste slovène et lacano-marxiste Slavoj Zizek utilise l’exemple du rire-en-boîte des émissons de télévisions fromagées (cheezy) pour expliquer le concept d’interpassivité, c’est-à-dire ce décentrement qui conduit le sujet à transférer la responsabilité et l’acte jouissance à un objet inanimé, en l’occurence la télévision :

« L'envers nécessaire de mon interaction avec l'objet n'est-il pas cette situation où l'objet lui-même me prend ma propre réaction passive de satisfaction (ou d'ennui ou de rire), m'en prive, en sorte que c'est l'objet lui-même qui prend plaisir au spectacle à ma place, me soulageant du devoir "surmoïque" de m'amuser...? De nos jours, selon les récentes investigations américaines, même la pornographie fonctionne de plus en plus de façon interpassive. Les films classés X ne sont plus, avant tout, des moyens destinés à exciter l'utilisateur dans son activité masturbatoire solitaire. Le simple fait de regarder l'écran où l'action a lieu est suffisant, c'est-à-dire qu'il me suffit d'observer comment les autres prennent du plaisir à ma place ».

Ainsi, pourrait-on dire, les Vieux Garçons pratiquent une certaine forme de masturbation héroïque interpassive en laissant au personnage Jack Bauer le soin de souffrir et de triompher à leur place pendant qu’ils mangent du poulet livré, bien calés dans Magda.

Barbarie éthique

Véritable démiurge, le personnage de Bauer se sort des situations les plus inimaginables sans jamais sourciller. Ses relations amoureuses, ses liens familiaux et ses amitiés lui tenaillent le coeur, mais jamais au point de l’empêcher de faire « what is right » pour la sécurité nationale des États-Unis d’Amérique. Ainsi, Bauer n’hésite pas à recourir à la torture ou à placer sa propre vie en danger pour répondre à l’urgence et à la nécessité.

D’après le psychanalyste slovène et lacano-marxiste Zizek, l’univers de 24 est un lieu où sont suspendues les normes morales usuelles. Pire encore, faire preuve de compassion alors que des millions de vies humaines sont en danger serait une faiblesse impardonnable. Le message de la télésérie est ainsi que les personnages qui pratiquent de la torture légitime peuvent conserver malgré tout leur humanité et leur dignité et doivent aller de l’avant avec cette sale besogne, un « mensonge profond » d’après Zizek, qui en fait les émules hollywoodiennes de la barbarie de Himmler.

L’univers diégétique de 24 apparaît ainsi comme un no- man’s-land moral dénormativisé dans lequel, musique martiale aidant, peuvent être projetées toute agressivité, virilité, intolérance et insensibilité à l’égard de l’autre. Bauer incarne la figure du corsaire sanguinaire contemporain, le Lone Ranger a lunettes d’aviateur dans lequelles se mirent des miliers de jeunes hommes trouvant ainsi, en extériorité, la projection fantasmatique d’une vie où ils n’arrivent plus à jouïr, avachis devant l’écran.

Est-ce par hasard qu’ils écouteront ensuite Les invincibles, hébétés? Au final, 24 permet aux millions de vaincus que l’époque postmoderne exclut déjà de la jouissance sensible du monde (du « partage du sensible », pourrait-on dire, en paraphrasant Jacques Rancière) de trépider hors de leur ennui.

Comme le disait en 2002 l’anthropologue Serge Bouchard, « Notre histoire se déroule devant nos yeux. Nous sommes drogués des dieux vedettes qui vivent une vie pleine à la face de notre vie vide ».

11 commentaires:

daviel a dit...

Dis-moi, Vieux Garçon Intello, que penses-tu de ma lecture du moment, "L'Anti-Oedipe", le premier tome de "Capitalisme et schizophrénie", de Deleuze et Guattari ?

Anonyme a dit...

Vous aurez remarqué par l'analyse de 24 que je me réclame plus du freudo-marxisme et de la psychanalyse lacanienne, des pensées contre lesquelles Deleuze et Guattari se sont érigés.

D&G théorisent une "société" de machines désirantes, de "procès sans sujet ni fin" et de corps sans organes se branchant les uns sur les autres comme supports de fluxs désirants.

En théorisant le social, en particulier la famille, comme une répression qui viendrait limiter à posteriori ces "fluxs désirants" dont l'émancipation conduirait plutôt à la multiplication des connexions, D&G viennent légitimer les théories systémiques et cybernétiques qui célèbrent le nouveau "capitalisme digital".

Cette façon de penser le flux désirant comme une "volonté de puissance" à l'origine obscure équivaut à une ontologisation d'une réalité purement nominale et au refoulement de l'action des structures objectives (et constitutives!) de la société, de l'idéologie, aussi bien que du processus de sublimation répressive de la conscience engagée dans le mode de production capitaliste.

L'émancipation devient affaire individuelle, utilitarisme généralisé, la singularité radicalement solipsiste habitant un plan de l'immanence, une réalité purement nominale, s'engageant dans une série de "branchements" productifs (auto-valorisation).

Dans cette perspective, la société n'existe qu'a posteriori dans la rencontre des flux désirants, et plus comme totalité synthétique a priori, ce qui représente une dénégation de toute la tradition hégéliano-freudo-marxiste.

Cela n'est somme toute pas très différent du discours libertarien, le chic libertaire en plus. Il n'y a que des individus qui recherchent le plaisir dans le cadre réfié d'une comptabilité des plaisirs.

Je vous conseille vivement l'oeuvre de Michel Freitag, ainsi que les critiques que font Robert Kurz et Anselmp Jappe de l'oeuvre Empire de Hardt et Negri, disciples spinozistes-deleuziens, dans "Les nouveaux habits de l'Empire", ainsi que ce livre de Zizek.

Anonyme a dit...

Si les Vieux Garçons pratiquent une certaine forme de masturbation héroïque interpassive, le Vieux Garçon Intello pratique quant à lui une forme certaine de masturbation intellectuelle barbante et convenue.

Zzzzzzzzzzz.

Queen KA a dit...

I think i'm in love with you

Anonyme a dit...

Cher vieux garçon intello. J'ai une maîtrise en philosophie, mais je ne vais pas pour autant polluer ici et là en lançant des phrases pompantes qui semblent être du chinois pour les non étudiants en la matière.

Un non sens, vous utilisez bon nombre de termes hermetiques pour créer des phrases vides de sens. Le copier-coller vous perdra mon cher monsieur.

De plus, pour qui, mon cher monsieur, vous prenez-vous pour vous réclamant d'un mouvement alors que vous n'avez rien écris d'intéressant ou d'inovateur vous-même. Vous ne fesiez qu'exposer une théorie. Aller faire vos copier-coller de vos travaux de session ailleur svp.

Veuillez agreer, monsieur mes salutations distinguées.

Anonyme a dit...

Ahhhh !!! Ça sent l'arrogance ici!

Pour la première fois, je fuis votre blog qui est à l'habitude... tellement sympathique et joviale !
Vivement que cette semaine passe au plus sacrant !

Sébastien a dit...

Béotiens !

Sébastien a dit...

Philistins !

Anonyme a dit...

Je vais attendre moi aussi...que le vieux garçon intello aie fini de s'écouter parler.

À la semaine prochaine !

Anonyme a dit...

Moi, ça me donne le goût de regarder 24. Ça a l'air le fun la masturbation interpassive dénormativisé.

Marieve Gagné a dit...

ah ouais
c'est de ça que ça parle 24?