vendredi 22 décembre 2006

Noël part en fumée

Bon, je suis un fumeur. Contrairement à la croyance populaire, le pire pour un fumeur ne sont pas l’inexistence de capacité cardio-vasculaire, la menace constante du cancer, le raclement de gorge matinal, l’haleine d’égout ou le regard de désapprobation des gens qu’on aime, non, le pire ce sont les quêteux de cigarettes. Hier, j’ai refusé une cigarette à un jeune homme et il m’a servi une belle réplique de prix Nobel : « Bravo pour l’esprit des fêtes, en tout cas. » C’en est assez, c’est un fléau qui est demeuré trop longtemps dans l’ombre, il faut les dénoncer! J’ai sous-divisé les quéteux de cigarettes en 4 grandes catégories et j’invite les lecteurs fumeurs à en ajouter s’ils le désirent. En unissant nos voix, peut-être pourrons-nous éradiquer cette calamité.

La première catégorie et selon moi la plus répandue est le quêteur pleurnicheur. Il aborde le fumeur avec un regard fuyant, il a la voix chevrotante et une aura de panique le cerne. Il offrira habituellement une compensation financière après un premier refus. Je ne leur donne jamais.

La seconde catégorie est celle du quêteur confiant. Contrairement à son vis-à-vis de la première catégorie, il accoste le fumeur avec assurance et demande la cigarette un peu comme si elle lui était due. Il n’accepte pas aisément le refus et se fera persistant. La plupart du temps, il est surpris qu’on lui refuse quelque chose d’aussi anodin qu’une clope. Ça lui apprendra car lui non plus je ne lui donne jamais.

La troisième catégorie est celle de l’épave humaine. Si on lui refuse de l’argent, l’épave humaine ou sans-abri ou clodo, demandera habituellement une cigarette comme compensation. Règle générale, les fumeurs donnent souvent à ce genre de quêteux car nous partageons avec eux une certaine parenté symbolique. Nous sommes aussi perçus par la « bonne société » comme des pas fins et des pas propres.

La dernière catégorie que j’ai recensée est celle des quêteurs temporaires ou fumeurs-qui-vont-aller-s’en-acheter-plus-tard-mais-que-là-y-peuvent-vraiment-pu-attendre. Comme le pingouin qui reconnaît sa progéniture par une légère fluctuation dans son cri, les fumeurs se reconnaissent entre eux sans avoir à se parler. Ils font d’incroyables quêteux car ils s’en foutent un peu au fond et ils s’attendent à un éventuel refus. Quand une belle femme, quêteuse temporaire de surcroît, m’aborde, je dis rarement non. Ça serait comme refuser de l’aide à un membre de la famille.

Ainsi, je donne souvent des cigarettes. Aux belles femmes, aux itinérants et aux amis qui devraient pas fumer parce qu’ils ont peur de recommencer. Je fais cadeau de la mort à tant de gens et on me dit que je n’ai pas l’esprit des fêtes? Bah, je me console en me disant que je ne serai pas le seul à me les geler sur les trottoirs des bars.

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